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Un peu d'histoire...Le retable de la Visitation et l’abbé Cogniel

Extrait d’un article de Mme Catherine Paoletti « Jérosme et Pétronille Nauvillard. Le retable de Beleymas et la chapelle des Lèches »

Publié dans le n° 48, novembre 2020, de la revue Taillefer

[...] La petite commune de Beleymas peut s’enorgueillir de la présence dans son église d’un retable baroque du XVIIè siècle inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques. Comment un décor si important est-il arrivé dans ce village ? Certes les paroissiens de Beleymas étaient beaucoup plus nombreux au XVII siècle que maintenant, mais on peut quand-même demander qui a pris la décision d’y installer cette œuvre d’art et surtout qui l’a financée. Rappelons qu'au XVII siècle, même si les guerres de religion sont officiellement terminées, les révoltes ne cessent pas et le pays est ruiné.

En 1891, paraissant dans La Semaine religieuse, un article de Charles Condaminas, concernant l’histoire de l’ordre de la Visitation à Périgueux.

La Congrégation de la Visitation est créée par François de Sales, pour raviver la foi catholique après les guerres de religion. Jeanne-Françoise Frémiot, veuve du Baron de Chantal (future Sainte Chantal) participe à sa mise en œuvre. Les Visitandines s’installent à Périgueux en 1641. Elles furent reçues avec une joie universelle de toute la ville : on avait allumé une quantité si grande de chandelles qu’on y voyait comme en plein jour... s’écrit Charles Condaminas.

Les religieuses vont faire construire leur couvent et leur église sur l’emplacement des arènes gallo-romaines. Elles vont en utiliser les pierres ainsi que celles du vieux château de la Rolphie, édifié autrefois, lui aussi, sur les ruines. Notre église a été bâtie de pierres de taille découvertes dans les terres. Elles ont été accusées d’avoir détruit plusieurs statues antiques, trop dénudées, mises à jour lors de travaux de décaissement.

En 1661, lors de la canonisation de sainte Chantal, l’édifice est si petit que seuls quelques notables peuvent assister à la cérémonie. Vingt ans plus tard une nouvelle église plus importante est édifiée [...]

L’église est inaugurée en 1682. [...] Cent ans plus tard Jeanne de Chantal est canonisée. Des cérémonies se tiennent à Périgueux l’année suivante en 1767. [...] Le retable est alors décrit : “Au-dessus du tabernacle est un beau retable qui s’élève jusqu’à la voute ce qui fait 36 pieds sur 24 de largeur (12 m/8m). Ce retable est composé de quatre colonnes sculptées à jour avec des ornements symboliques. Elles portent un chapiteau, le tout doré en plein avec quelques nuances de couleurs qui relèvent l’éclat de l’or. Dans le milieu du retable est placé un grand tableau qui représente Saint-François ? [...] Sur les deux crédences à côté du grand autel étaient placés les deux portraits de Saint-François et Sainte-Chantal [...]” À la Révolution, le 2 novembre 1789, les biens de l’Église de France sont nationalisés. Une grave crise financière règne. Bientôt la Nation, à court d’argent, met en vente une partie des biens du clergé. [...] L’estimation du couvent de la Visitation réalisée en 1792 le montre en très mauvais état. L’église est mise en vente, mais, détail important, sans les boiseries. Ce qui laisse entendre que le retable n’y figurait pas. Qu’était-il donc devenu ? [...] Un siècle plus tard Charles Condaminas s’interrogeait sur cette disparition et supposait qu’il avait été détruit. [...]

À la suite de cet article, le curé de Beleymas, Élie Chazot, lui écrivit la lettre suivante.

Beleymas, le 27 mai 1891

Monsieur, [...] Je puis vous donner des nouvelles de ce retable que vous avez cru, sans doute, détruit avec l’ancienne église. La petite paroisse de Beleymas le possède [...] Après la Révolution, M. l’abbé Cogniel, curé de Beleymas (1804-1812), en fit l’acquisition et le plaça dans son église paroissiale. Comment ce monument religieux avait-il échappé à la rage impie des sans-culottes, et en quelles mains se trouvait-il ?

Je n’ai pu l’apprendre. Toujours est-il qu’on sait ici que c’était l’autel de la Visitation de Périgueux, et qu’il fut acheté dix-huit cent francs, somme assez ronde pour l’époque, qui ne connaissait guère le prix qu’on attache aujourd’hui aux meubles antiques ouvragés. On sait aussi que le susdit curé ne pouvant loger dans un sanctuaire trop étroit un ensemble si considérable de colonnes, statues et sculptures diverses, en vendit pour quatre cent francs à son confrère de Montagnac-la-Crempse [...]

Au moment où je fus nommé curé de Beleymas (1861), la paroisse venait de faire réparer son église.

On en avait modifié le plan intérieur, et, l’architecte ayant mis dans l’abside trois grandes fenêtres, il devint à peu près impossible d’y placer le retable. [...]

Mais la nécessité sera toujours cruelle. La pauvre commune était épuisée. L’église était réparée, n’ayant pour luxe que ses quatre murs bien blancs : pas un autel et il en fallait trois [...] Il fut donc résolu que l’ancien soit mis en trois [...] Je l’approuvais par nécessité. Ne me faites pas de reproches : le remords est assez grand. [...]

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